Texte de la conférence de J-P Caudrec (29 janvier 2016)

Le Portugal,
pays singulier, état pionnier



Lors de notre dernière assemblée, Ana Maria nous a expliqué les circonstances, les raisons et les étapes de la formation du Portugal. Et nous en avons retenu l'essentiel : le Portugal est le premier et le plus ancien état-nation d'Europe, né au cours de la Reconquête chrétienne contre la présence musulmane en Péninsule ibérique, sur fond de querelle de famille, entre le clan des Galiciens et celui des Portucalais, et ses frontières n'ont pratiquement pas subi de modifications depuis 1249.

La suite du propos d'Ana Maria est prévue et attendue et elle nous mènera jusqu'à l'épopée des Grandes Découvertes soit jusqu'à la première moitié du 16ème siècle, donc encore deux siècles d'une histoire riche, à condenser en moins de 80 minutes… Et pour laisser un peu de temps à Ana Maria je lui ai proposé de faire une petite pause, de nous arrêter un instant pour observer quelques aspects qui font du Portugal un pays singulier et un état pionnier.

C'est un pays singulier car, si j'en crois le dictionnaire Robert, le singulier se définit comme quelque chose "  qui se distingue des autres, par des caractères, des traits individuels, qu'on remarque  ", et les synonymes proposés sont : " isolé, particulier, unique, bizarre, étonnant, rare ", autant de termes qui collent bien au Portugal, si particulier, si surprenant et aussi longtemps isolé géographiquement et politiquement


(Oliveira Salazar " orgulhosamente sós "
novembre 1965).


Quant au substantif correspondant, singularité, il est défini comme " anomalie, bizarrerie, exception ", en effet le Portugal apparaît comme une anomalie sur la carte géographique, une bizarrerie de l'histoire, comme un " pays qui n'aurait pas dû exister " selon C. Rudel.
Mais c'est aussi un état pionnier, figure de proue au sens propre comme au figuré, le Portugal a souvent été au cours de son histoire le premier, le pionnier.



Sur la carte, le Portugal fait figure de bout du monde, comme tous les rivages atlantiques, de la Galice à l'Irlande, en passant par la Bretagne, bien sûr. une sorte de Finisterre, de Land's End en Cornouailles britannique, une fin de terre, un bout du monde, cela selon la conception latine donc romaine et impériale du terme Finis Terrae.

Or, si l'on se réfère à la version bretonne, celtique, du Finistère, cela donne Pen Ar Bed ; ce n'est plus une fin mais une pointe, une tête, un début, ce n'est plus une arrivée, un cul-de-sac, mais un départ ; ce n'est plus la fin d'un voyage mais le commencement d'une aventure... Et l'on comprend mieux comment cette situation géographique de bout du monde connu va devenir pour le Portugal le début d'une grande aventure, d'une épopée maritime et d'une expansion au-delà des mers....

Cependant, quand les poètes s'intéressent à ce pays, "jardin planté en bord de mer" (Tomás Ribeiro), pays Où finit la terre et où commence la mer selon Camoëns, ils expriment le sentiment d'un Portugal réduit à un simple rivage, à un embarcadère, et il semble que ses habitants le ressentent encore ainsi, malgré la propagande salazariste qui placardait sur tous les murs des affiches qui représentaient l'ensemble des possessions portugaises, empire d'outre-mer inclus, en les réunissant sur un fond européen, avec le titre " Le Portugal n'est pas un petit pays ".



Le sentiment d'exiguïté est peut-être renforcé par la proximité d'une frontière à moins de 200 km du littoral. Or, à l'échelle de l'Europe, le Portugal se range parmi les états de taille moyenne : sa superficie le place au 13ème rang de l'Europe des 28, presque ex-aequo avec la Hongrie, derrière la Bulgarie (110.000 km²) et devant l'Autriche (84.000 km²). Plus grand aussi que l'Irlande, le Danemark, les états baltes…les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Il est même plus grand que le Bénélux réuni mais compte 2,5 fois moins d'habitants. Ce n'est donc pas un petit pays dans le cadre européen. Avec 91.632 km² (= Bretagne x 3), il représente un peu moins de 1/6ème de la surface de la péninsule ibérique. Avec 10 millions d'habitants sa densité de population est identique à celle de la France : 110 hb / km². On compte également 4 à 5 millions de Portugais dispersés dans le monde (près d'un million réside en France de façon permanente).

Superficies comparées des pays de l'U.E. (en km²)



I - UN PAYS SINGULIER

La première nation apparue en Europe aurait pu faire sienne la devise de l'Union européenne d'aujourd'hui : " Unité dans la diversité ".
  • 1. Diversité

    Malgré sa relative exiguïté (< 600km N/S, < 200km E/O), le territoire continental du Portugal présente une remarquable variété de paysages, lesquels changent, comme rarement en Europe, sur de courtes distances du nord au sud. Et, à ce titre, on observe plusieurs Portugal. A partir de cette carte on peut grossièrement distinguer 4 domaines majeurs en 2 types d'opposition : - Nord / Sud - Ouest / Est



  • Opposition Nord / Sud

    Le rectangle portugais est nettement compartimenté par les lignes du relief, grossièrement orientées nord-est / sud-ouest en prolongement du relief espagnol.
    Tout comme la Loire en France, le Tage marque une sorte de frontière entre le nord et le sud du Pays et la différence entre les deux parties est constante et évidente dans presque tous les domaines : relief, climat, paysages, végétation.

    Au nord le relief est accidenté, alternant massifs montagneux et vallées encaissées. Le climat est océanique à l'ouest et continental à l'est. C'est le domaine de la petite propriété individuelle, de l'habitat dispersé et d'une forte densité de population (sur la partie littorale).
    Au sud s'étend la pénéplaine de l'Alentejo, prolongement du relief andalou, séparée de l'Algarve par les serras de Monchique et du Caldeirão. C'est le domaine de la grande propriété, du chêne-liège et de l'olivier, d'un élevage extensif et d'une faible densité de population (sauf sur la côte d'Algarve).
    Le climat, plutôt continental à l'est, (" 9 meses de inverno, 3 meses de inferno ") acquiert de nettes tonalités méditerranéennes vers l'ouest et l'Algarve. " Il n'est pas étonnant que deux modes de vie aient résulté d'une opposition aussi marquée. Les vallées profondes et humides du Nord favorisent l'isolement et les particularismes locaux et conditionnent un peuplement dense (jusqu'à 200 habitants au km2) mais dispersé. Les plaines arides du Sud, au contraire, ont facilité les invasions et ont rendu les communications plus rapides. Elles ont favorisé un peuplement faible (jusqu'à 25 habitants au km2) concentré en centres importants mais séparés les uns des autres " (Oliveira Marques).
    Les cultures galaïco-portugaise et lusitano-mozarabe vont se mêler progressivement. De ce métissage naît le particularisme portugais. Selon A.H. de Oliveira Marques, " le choc le plus rude eut lieu entre les chrétiens du Nord, paysans frustres et mal dégrossis, vainqueurs arrogants et mal préparés à leur nouvelle condition sociale, et les mozarabes du Sud, plus raffinés et pleins de mépris envers les nouveaux arrivants ". Une coupure nord-sud qui persiste encore aujourd'hui dans le paysage et la mentalité.

    Enfin, si l'on observe, un lendemain d'élections, une carte des résultats électoraux, on observera, quels que soient les variations de l'opinion, un nord plutôt de couleur bleue, donc conservateur, et un sud plutôt rose.



    Opposition Est / Ouest

    Aux différences entre un Portugal du nord et un Portugal du sud viennent se superposer les oppositions entre un Portugal littoral, et un Portugal intérieur.
    La frontière méridienne entre l'Espagne et le Portugal sépare des régions qui présentent les mêmes types de paysages mais qui se rattachent à des ensembles nationaux dont l'organisation territoriale diffère. C'est une coupure, raia / raya, qui sépare et oppose les terres les moins peuplées et les plus pauvres des deux états. Les rois du Portugal se sont toujours efforcés d'encourager le peuplement de ces régions frontalières en accordant divers privilèges fiscaux ou même l'immunité aux criminels qui s'y installaient. Lors de l'expulsion des Juifs d'Espagne par les Rois Catholiques (1492), nombre d'entre eux ont trouvé refuge dans ces régions où ils constituent encore des communautés comme à Belmonte, Castelo de Vide.



    Ainsi les 7 districts frontaliers non littoraux qui représentent plus de la moitié de la superficie du Portugal continental ne comptaient plus à la fin du 20ème siècle que pour 13 % de sa population avec une densité moyenne de 25 hb/km2.
    On l'aura compris, c'est sur la frange occidentale, sur un peu plus du 1/3 de la superficie que la partie peuplée et active du Portugal rassemble les ¾ de sa population, les villes principales (Viana, Porto, Aveiro, Coïmbre, Viseu, Lisbonne, Setúbal), et l'essentiel de l'activité économique.

    Ce "Portugal utile" se compose de régions variées reliées par un axe méridien de circulation (routes, autoroutes, voie ferrée) :
    - L'extrême nord-ouest, ex-province du Minho, berceau du Portugal, est une région active, de forte densité de population avec un réseau urbain en évolution très rapide et à l'habitat extrêmement dispersé.
    - L'espace entre Lisbonne et Porto s'étend sur moins de 300km de long et environ 50km de large entre le rivage et les premiers contreforts de la Serra. La frange littorale entre Minho et Sado est le support de l'axe vital du Portugal. Selon J.F. Labourdette (Histoire du Portugal) : " Il est fort vraisemblable que cette position de finistère a favorisé la naissance et la consolidation de la nation portugaise dont la nature est essentiellement atlantique et très peu méditerranéenne. " (J.F. Labourdette s'oppose en cela à A.H. de Oliveira Marques qui considère le Portugal aux ¾ méditerranéen).


  • 2. Unité

    La dynastie de Bourgogne (Afonso Henriques et ses successeurs, 1140-1383) a donné au Portugal des rois "défricheurs et laboureurs" qui ont pris l'initiative de mettre en valeur le territoire, de l'organiser, de créer une structure administrative au service d'une société homogène et d'un état centralisé puis d'adapter progressivement ces rouages institutionnels aux temps modernes.
    C'est pourquoi, malgré l'étonnante diversité que l'on vient d'entrevoir, à l'intérieur de ses frontières le Portugal a développé une identité nationale originale et homogène et il présente une unité de civilisation remarquable. Dans ces conditions les identités régionales n'ont pas la force qu'elles manifestent en Espagne.
    Par exemple, un élément curieux, jamais mis en évidence, mérite néanmoins quelque attention : les régions portugaises, qui correspondent grosso modo aux anciennes provinces dont les prérogatives administratives ont été abolies en 1834-36 (remplacées par les districts), rétablies en 1936 puis supprimées à nouveau en 1959, n'ont pas de nom qui soit le reflet d'une lointaine origine ou de leur identité historique, culturelle etc. Partout en Europe nous avons la Bretagne, la Flandre, le Tyrol, l'Alsace, la Lombardie, la Bavière, la Navarre etc.

    Au Portugal qu'est-ce qu'on observe ?

    Au nord :

    - Minho, nom du fleuve qui sépare le Portugal de la Galice et arrose celle-ci sur la majeure partie de son cours.
    - Trás-Os-Montes, littéralement Derrière les Monts, Espace éloigné, rejeté, méconnu et d'accès difficile, ce qui, d'ailleurs, a été longtemps la condition du Nord-est lusitanien.

    Au centre :

    - Beiras, ce qui, littéralement, signifie bord (cf beira-mar), marge (comme marginal) ou marche comme on dit Marches de Bretagne, ce qui est très curieux pour une région qui est en effet au bord de l'océan (Beira Litoral), frontière avec l'Espagne (Beira Alta, Beira Baixa) mais aussi en plein centre du pays. Que penser d'un pays qui se voit si petit qu'il donne à son centre des noms d'extrémités géographiques : Haut-Bord, Bas-Bord, Bord-littoral ?
    - Estremadura, le cœur même du pays porte un nom d'extrémité : Extremadura, tout comme la région du centre ouest espagnol (provinces de Cáceres et Badajoz). Tant en espagnol qu'en portugais, il semble que le terme Estremadura/Extremadura vienne de Extrema Duria, forme féminine de l'adjectif issu de Durius, nom latin du fleuve Douro. Extremadura désignait donc, du temps de la Reconquête, les territoires les plus extrêmes gagnés par les Chrétiens au sud du Douro, sorte de frontière fluctuante et provisoire. Cette interprétation très plausible (Orlando Ribeiro, A Formação de Portugal, 1987) explique la présence de deux Estrémadures en péninsule Ibérique si l'on sait que la Reconquête y a été menée sur deux portions de territoire, Portugal et Castille.
    Au sud :

    - Alentejo, ici encore une vaste région située comme son nom l'indique au-delà du Tage (Além Tejo). Entre la prise de Lisbonne, mentionnée plus haut et la fin " officielle " de la Reconquête en 1249, les conquérants chrétiens ne se sont jamais souciés de "baptiser" cet espace vide aux frontières encore indécises autrement que par une forme d'euphémisme négligé comme si, chez nous, on désignait par Outre Loire tout l'espace géographique qui va de Nantes à Bordeaux, Outre Rhône le Dauphiné et la Savoie, comme on dit Outre Rhin ou Outre Manche, en évoquant l'Allemagne ou le Royaume Uni de façon volontairement imprécise et presque dédaigneuse. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, alors qu'il n'y avait à Lisbonne qu'un seul pont pour traverser le Tage (le pont du 25 Avril, inauguré en 1966), les panneaux routiers et autoroutiers qui indiquaient, et indiquent encore, la direction de la rive méridionale du fleuve et de tout le reste du pays, se limitent à un sobre SUL / PONTE. Il a fallu attendre la construction du pont Vasco da Gama en 1998 pour voir apparaître quelques noms de villes (Setúbal) et de province (Algarve). A propos…

    - Algarve. Voilà enfin un nom qui n'a plus l'aspect d'un vague espace géographique mal défini ; ça fleure un vrai nom de province, un goût de terroir, à l'ancienne, comme Normandie ou Andalousie, avec une petite touche exotique grâce à son article d'origine arabe… Erreur ! Algarve vient de Al Gharb qui désigne l'endroit où le soleil se couche : l'ouest. N'oublions pas que cette région représentait l'extrême ouest de l'empire arabe, appelé aussi Gharb al-Andalus, et dans Al Gharb on retrouve la même racine consonantique que dans Maghreb  qui, opposé à Machrek, signifie ponant ou couchant :






    Rappelons-nous que D. Manuel, dit le Fortuné (1495-1521) portait les titres ronflants de Roi du Portugal  et des Algarves, d'en-deçà et au-delà des mers en Afrique, duc de Guinée et de la conquête, de la navigation et du commerce d'Ethiopie, d'Arabie, de Perse et d'Inde par la grâce de Dieu.

    Après ce petit tour des provinces historiques du Portugal, l'évidence s'impose : leurs noms ne correspondent qu'à de vagues connotations géographiques, provisoires, l'essentiel n'étant pas, pour paraphraser Paul Valéry, de "dire mais de faire" ? Les acteurs de l'histoire portugaise ont sans aucun doute eu mieux à faire que de barder leurs petites régions de noms de terroir.


    Cumpriu-se o Mar e o Império se desfez,
    Senhor, falta cumprir-se Portugal
    La Mer s'est accomplie et l'Empire s'est défait,
    Seigneur, il reste à réaliser le Portugal

    Fernando Pessoa,
    Mensagem, 1934



    On peut comprendre ainsi les difficultés rencontrées lors de l'élaboration d'un nouveau découpage régional. Ce projet de régionalisation a été soumis par voie de référendum aux électeurs portugais en octobre 1998. Une nette majorité l'a rejeté. Pourquoi ?

    Vingt-cinq ans après le rétablissement de la démocratie, ce rejet de la régionalisation est officiellement interprété par le refus d'un échelon supplémentaire de pouvoir politique : l'instauration d'un échelon régional signifierait en effet, pour le citoyen portugais moyen, une assemblée de parlementaires régionaux, voire un exécutif régional, donc plus de dépenses considérées comme inutiles, donc plus d'impôts et aussi plus de corruption. Quelle que soit la crédibilité que l'on puisse accorder à cette interprétation, on peut s'étonner que le peuple portugais ait repoussé à la fin du 20ème siècle cette régionalisation que d'autres peuples européens pratiquent de longue date ou appellent de leurs vœux. En réalité j'ai l'impression qu'il n'y a pas, dans la conscience collective portugaise, de place pour l'espace régional. Le Portugal est un petit pays d'Europe mais ce peut être, et c'est certainement, une grande région, périphérique certes, mais à l'identité nationale et culturelle très marquée, au même titre que l'Irlande, le Danemark, les Pays-Bas, petits pays souverains, mais aussi la Bavière, la Catalogne ou autres grandes régions européennes intégrées dans des espaces nationaux*.

    Plus sérieusement, laissons à Michel Drain (Géographie de la péninsule ibérique) le bénéfice de la dernière citation sur ce chapitre :
    " La pratique très ancienne au Portugal d'une émigration hors des frontières qui a conduit à une diffusion dans le monde entier de la population portugaise, a provoqué une extraversion des sentiments identitaires [… ] c'est la nation plus que la région qui constitue le niveau majeur du sentiment d'identité territoriale. " Et il ne fait guère de doute que l'attachement identitaire des Portugais se situe bien au niveau national et local, du Portugal et du concelho.

    On voit donc le faible poids des identités régionales au Portugal. Il faut néanmoins tenir compte de celles qui existent ; le régionalisme des archipels, reconnu par des statuts d'autonomie au Portugal, est pris en compte à l'échelle européenne par leur intégration dans les régions dites ultrapériphériques. Il n'en demeure pas moins que le référendum de 1998 a démontré qu'il n'y avait guère de volonté de régionalisation au Portugal.

    · - Catalogne : 32 000 km²
    · - Bavière : 70 000 km²
    · - Castilla la Mancha : 80 000 km²
    · - Andalousie : 87 000 km²
    · - Castilla León : 94 000 km²


  • 3. Singularité

    Nous allons tenter d'éviter les écueils relatifs au concept d'identité. Le sujet est vaste et d'un traitement délicat. Pour simplifier à l'extrême, l'identité n'existe que par rapport à une différence. Et la différence, la singularité du Portugal se manifeste essentiellement par rapport à son voisin espagnol.

    Portugal / Espagne : 8 siècles d'ignorance partagée

    L'antagonisme, l'antipathie ont accompagné 750 ans de voisinage luso espagnol. En témoignent plusieurs dizaines de forteresses dressées le long de la frontière et destinées à protéger le Portugal d'éventuelles invasions castillanes. Ces châteaux forts qui jalonnent les 1215 km de frontière commune (et unique) sont un élément parmi de nombreux autres de l'expression du sentiment de méfiance /défiance séculaire des Portugais envers leurs voisins.
    Dans les années 60, on pouvait lire ceci dans un petit guide consacré au Portugal (G. Ganne) :
    Derrière nous, ces collines vont se transformer en montagnes et opposer au voisin espagnol la barrière infranchissable de la personnalité lusitanienne; car les Portugais se méfient de cette cohabitation péninsulaire où leur situation, fatalement étriquée, ressemble à celle d'un dormeur poussé au bord de sa couche par un partenaire encombrant. Cette possibilité de devenir ou de redevenir une province espagnole, quoiqu'elle n'ait aucune chance de se réaliser, est l'une des hantises du subconscient portugais... Il suffit de franchir la frontière hispano-portugaise pour se rendre compte à quel point nous nous trouvons en présence de deux nations radicalement différentes ... D'ailleurs comment peut-on imaginer qu'il puisse y avoir une identité véritable entre ceux qui mettent à mort les taureaux et ceux qui leur gardent la vie ? La peine capitale n'existe même pas au Portugal alors que Juan Grimau a été exécuté par garrot. " Et J. Péroncel Hugoz ajoute : " Deux peuples, le Castillan et le Portugais qui, pour s'élever, s'héroïser, ont choisi l'un l'absolu et l'autre l'infini, peuvent-ils jamais se rencontrer ? ".
    J'aime citer aussi ce quatrain de Pedro H. De Mello :

    Numa banda a Espanha morta
    Noutra Portugal sombrio
    Entre ambos galopa um rio
    Que não pára à minha porta.
    D'un côté l'Espagne morte
    De l'autre, un sombre Portugal
    Entre les deux un fleuve cavale
    Et ne s'arrête pas à ma porte.


    On pourrait multiplier les exemples de cette glose très subjective et qui n'a plus de raison d'être depuis la suppression des frontières à l'intérieur de l'espace européen. Néanmoins on continue de dire au Portugal avec un brin d'ironie mêlée de perfidie :
    De Castela não vêm nem bom vento nem bom casamento ".

    Si par son étymologie le mot identité vient de idem, comme identique, aujourd'hui il désigne le caractère unique d'un individu ou d'un groupe social. Mais cette unicité concerne un individu ou un groupe qui forme un tout uni et de façon permanente. En associant unicité, unité, l'identité représenterait aussi les éléments concrets spécifiques et communs à tout un peuple. Le premier de ces éléments est naturellement la langue.

    La langue portugaise

    Pendant près de 8 siècles la frontière, la division politique se sont imposées comme une évidence. Mais à la frontière politique correspond une frontière linguistique dont la démarcation est très nette le long de la frontière méridienne (orientale) ; au nord, elle l'est beaucoup moins, la Galice conservant dans ses campagnes un certain nombre de parlers très proches du portugais. C'est le seul état d'Europe dont les frontières politiques coïncident avec les limites linguistiques.

    C'est la langue qui fait l'unité de ce pays et qui, par les idées et les sentiments qu'elle diffuse, assure la personnalité du peuple portugais ". (A.A. Bourdon, Histoire du Portugal).
    Le roi Denis (1279-1325), roi " planteur des navires à venir " selon Fernando.Pessoa, roi poète aussi, va décréter le portugais langue de l'administration en 1290, l'année même de la fondation de l'Université à Lisbonne (capitale du royaume depuis 1260), transférée à Coïmbre en 1308, démarquant ainsi nettement le pays de la Galice, (le souverain lui-même participe à la naissance d'une littérature portugaise).

    Langue populaire, puis langue administrative officielle, le portugais devient aussi, dès le début du 16ème et bien avant l'anglais, la première langue européenne des échanges commerciaux avec l'Orient tout en s'illustrant progressivement comme langue littéraire et langue de culture.

    Vous trouverez sans peine, en surfant sur la toile, la liste des dizaines de mots courants laissés par les Portugais en japonais d'aujourd'hui ainsi qu'en indonésien. La singularité portugaise s'est exprimée dans de nombreux autres domaines que nous ne pouvons développer ici, chacun d'eux méritant un exposé à part. Mentionnons seulement l'architecture et le style spécifiquement portugais, le style manuélin, du nom du roi D. Manuel, expression d'un gothique tardif, transition locale vers la Renaissance, dont les motifs décoratifs sont inspirés par la passion de la mer et des territoires lointains récemment découverts.





  • "  Le goût portugais renâcle au confinement. Je découvrirai vite que la fenêtre de Beja correspond au tempérament national. Il y a certes de hauts lieux clos dans ce pays. Mais la vraie originalité est ailleurs, le thème principal me semblant être l'ouverture. Tous les endroits que nous avons préférés se sont trouvés liés à l'air libre et se distinguent comme étant des lieux de circulation : une fenêtre, un bouquet, un jardin, un arbre, un escalier. Comme si ce peuple de marins, d'explorateurs, de découvreurs de mondes, avait besoin d'associer l'espace aux créations de son génie.
    " L'art portugais s'éveille, plus matinal qu'un autre, en révélant la vocation naturaliste, la suprématie de la passion sur la raison, la turbulence dynamique, la religiosité panthéiste — éléments qui plus tard seulement, cristalliseront dans les autres pays. Si l'accès à l'enchantement du baroque est encore fermé à beaucoup d'esprits français, c'est peut-être qu'ils découvrent ce type d'art le plus souvent en Italie, à travers le " style jésuite " qui a de quoi les rebuter en effet, ne serait-ce que par ses liens avec la Contre-Réforme, l'Église, le pouvoir, alors que le " style manuélin ", qui a précédé de plus de cinquante ans le " style jésuite ", lui est aussi bien supérieur, en grâce, en humour, en fantaisie, et parle le langage fraternel de La liberté. "
    Dominique Fernandez,
    L'or des Tropiques
    , 1996


    Et c'est du mythe de l'ouverture qu'a vécu la culture portugaise jusqu'à nos jours, de l'ouverture au monde et, paradoxalement, d'isolement par rapport à l'Europe. Car ce peuple de découvreurs n'a eu d'autre centre d'intérêt que sa propre aventure.

    Le Portugal est singulier, donc surprenant. On a vu, par exemple, que les monarques portugais ont négligé les noms de leurs provinces. En revanche, ils se sont empressés de baptiser les terres nouvellement découvertes pour mieux s'en assurer la possession, d'abord les archipels atlantiques, Madère et les Açores, jusqu'au Brésil, puis une partie de l'Afrique occidentale et de quelques uns de ses états d'aujourd'hui :



    Cap-Vert
    Le nom du cap (Cabo Verde) lui a été donné par le navigateur Dinis Dias ; la végétation de ce promontoire contrastait avec l'aridité et les paysages désertiques observés plus au nord, des côtes marocaines à la Mauritanie.

    Gambie
    Du fleuve Gambie qui coule dans le pays. Le mot Gambie dérive peut-être du mot portugais câmbio (" échange ", " marché "), en référence au commerce que les Portugais y faisaient.

    Cameroun
    Du portugais Rio de Camarões (rivière de crevettes), le nom que les explorateurs portugais avaient donné au fleuve Wouri au XVème siècle, s'extasiant de l'abondance des crevettes dans ce cours d'eau. Les marins anglais adoptèrent ce nom en l'anglicisant (Cameroons) d'où le nom actuel de Cameroun.

    Gabon
    De Gabão, le nom portugais donné à l'estuaire de la rivière Komo (en français : estuaire de Gabon). L'estuaire tient son nom de sa forme, qui ressemble celle d'un manteau à capuchon (gabão). Une autre source dit que sur cette côte la brume est si épaisse qu'elle vous enveloppe comme un vêtement de marin, le caban.

    Sans oublier le Cap de Bonne Espérance et quelques archipels de l'océan indien (Mascareignes), Formose (1542), îles Pescadores, Florès (Indonésie, N/O Australie), Labrador (João Fernandes Lavrador, 1498) etc.

    Et pourquoi la langue portugaise est-elle la seule d'Europe occidentale à nommer Chá ce que les autres appellent le thé ?  Le thé est d'origine chinoise. En mandarin et en hindi il se dit cha et désigne le thé noir. Il a été importé de Chine au XVIème siècle par les commerçants portugais en Europe, puis introduit en France comme plante digestive par les Jésuites.
    L'autre prononciation est te, qui vient du mot désignant cette boisson dans la langue minnan, parlée dans le sud-est de la Chine et à Formose (Taiwan). C'est ce mot qui est passé dans les langues de l'archipel indonésien, notamment le javanais et le malais. Les Néerlandais qui, de leur côté, ont importé en Europe au début du XVIIème siècle, du thé acheté à Java le nommèrent naturellement " tee ", d'où le français " thé ", l'anglais " tea ", l'allemand " Tee ", etc.

    Par ailleurs, saviez-vous que portugal est un mot courant qui désigne un aliment dans plusieurs langues d'Europe, en arabe, en persan ?


    Lorsque les navigateurs portugais rapportèrent d'Asie, au quinzième siècle, certaines variétés d'oranges à saveur douce comme celles que l'on consomme aujourd'hui, les Arabes baptisèrent le nouveau fruit bortoqal, “Portugal”; une appellation que l'on retrouve en turc, en géorgien, en bulgare, et en de nombreuses autres langues…
    Le mot orange, attesté aurantium en latin, vient de l'arabe narang, qui a donné naranja en castillan, laranja en portugais, arancia en italien…



II - UN ÉTAT PIONNIER / PREMIER


De tout ce qui précède, petit aperçu bien incomplet de la singularité de la culture portugaise, on retiendra surtout que le Portugal est au premier rang des nations qui ont fait l'histoire de l'Europe. C'est l'historien Fernand Braudel qui le dit :
" Les historiens ont étudié, mille fois pour une, la fortune du Portugal : l'étroit royaume lusitanien ne joue-t-il pas les premiers rôles dans l'énorme bouleversement cosmique qu'introduisent l'expansion géographique de l'Europe, à la fin du XVIème siècle et son explosion sur le monde ? Le Portugal a été le détonateur de l'explosion. Le premier rôle lui revient ".

En effet, s'il faut retenir un aspect récurrent de l'histoire du Portugal, c'est son rôle de pionnier.

Il a été, on le sait, le premier pays d'Europe à réaliser son unité nationale et à fixer des limites territoriales qui n'ont pas bougé depuis le milieu du XIIIème siècle. En 1254 le premier Etat-nation d'Europe convoque les premiers Etats Généraux (Cortes) avec représentation du Tiers-Etat (braço popular).

En 1385 il va connaître la première révolution bourgeoise (= anti-féodale) avec le principe de la majorité nationale. (France = 1789)

Deux ans plus tôt, la dynastie régnante connaît une crise de succession : le roi Ferdinand Ier n'a pas d'héritier mâle. Sa fille Beatriz, est mariée à Jean Ier de Castille. Ce dernier revendique la couronne à la mort de Ferdinand, soutenu par une partie de la noblesse portugaise signant de fait l'annexion du Portugal.
Mais la bourgeoisie et le peuple s'y opposent farouchement. Les Etats-Généraux (Cortes) réunis à Coïmbre en 1385, vont désigner le Grand Maître de l'Ordre d'Avis, ordre militaire et religieux, Jean, fils illégitime de Pierre Ier, pour succéder à la maison de Bourgogne sur le trône du Portugal, sous le nom de Jean Ier (João 1°) initiant ainsi la dynastie d'Aviz. On peut parler d'une révolution bourgeoise car les représentants de la population optent pour un État qui doit favoriser le développement du commerce, des échanges et des affaires. C'est aussi la première fois qu'un roi est élu par une assemblée contre l'hérédité naturelle.
La défaite des troupes espagnoles à la bataille d'Aljubarrota confirme la victoire définitive du Portugal qui assure résolument son indépendance envers la Castille pour les deux siècles à venir.

Cette crise a eu des conséquences décisives pour l'avenir du pays.

La nouvelle dynastie d'Avis est légitimée par la volonté du peuple et non par un coup de force ou une intrigue de palais. La haute noblesse est mise sur la touche.
L'indépendance du pays étant assurée de façon durable, le Portugal peut désormais tourner le dos à la Castille et se lancer à la découverte et à la conquête de l'océan. L'intention était de doter le pays d'un potentiel économique plus important face au voisin castillan. L'expansion outre-mer, la possession, la domination des mers, voire la constitution d'un empire, était le seul moyen pour le Portugal d'être reconnu par les autres monarchies européennes.

La présence d'un gouvernement très centralisé et incarné en la personne du roi qui bénéficie d'un réel soutien des milieux du commerce et de la bourgeoisie marchande, va encourager et favoriser les initiatives d'hommes d'exception. tel l'infant Henri, dit le Navigateur. Sous son impulsion, les marins portugais vont ouvrir, dès le début du XVème, siècle les routes maritimes vers des contrées jusqu'alors inaccessibles ou inconnues. C'est ainsi que le Portugal est à l'origine du processus de mondialisation, de rencontre entre les peuples, de contacts entre les civilisations ; il a été l'initiateur de métissages ethniques et culturels, " il a donné des mondes au monde " selon Camoëns dans Les Lusiades (1572), long poème épique où le poète décrit l'originalité de ce qui est aujourd'hui considéré comme la naissance de la globalisation, terme inconnu à l'époque. Le vaste éventail d'innovations scientifiques et techniques, les nouveaux modèles d'affaires, des règles militaires inédites ont été introduits par les Portugais au cours de cette période de l'histoire, ce qui permet d'affirmer que le Portugal a "innové dans l'art de l'innovation" et qu'il a largement contribué au mouvement de Renaissance en Europe.

Les Portugais ont démontré que les espaces maritimes étaient interconnectés. Ils sont ainsi arrivés dans le sud de la Chine en 1513 et au Japon en 1541, et ils ont créé un nouveau type d'empire, une thalassocratie, en s'étendant sur une grande partie de la planète. Cet exemple a été imité par les puissances hégémoniques qui prendront le relais, Pays-Bas, Grande-Bretagne et Etats-Unis.

Dans d'autres domaines, on relève en 1641 l'instauration de la dîme, premier impôt général sur le revenu (ainsi qu'un impôt sur les transactions).
Au XVIIIème siècle il institue le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat.
En 1867, il sera l'un des premiers pays, voire le premier, à abolir la peine de mort. Victor Hugo dira alors que le Portugal sert d'exemple à l'Europe.

Il est vrai qu'il a connu aussi des périodes sombres, du déclin de l'Empire à la proclamation de la République (1910) suivie au début des années 30 de l'Estado Novo, régime autoritaire de sinistre mémoire dirigé par le dictateur Salazar. Ce régime sera renversé sans effusion de sang, ou presque, par un coup d'état militaire connu sous le nom de Révolution aux Œillets (25 avril 1974). C'est aussi la première fois dans l'histoire du monde qu'une armée renverse une dictature pour rétablir la démocratie. Un quatrain disait à l'époque :


Nunca até hoje na terra
Como em Portugal se viu
Soldado em pé de guerra
Para meninos sorriu.
Jusqu'à ce jour sur terre
Jamais, comme au Portugal, on n'avait vu
Un soldat sur le pied de guerre
Sourire aux enfants dans la rue





Plus près de nous, en 2012, des millions de citoyens portugais ont manifesté dans les rues des grandes villes pour protester contre les mesures draconiennes d’austérité imposées au pays par le Gouvernement de Passos Coelho, afin de résorber la dette du Portugal, à la demande de la Troika (Commission Européenne, BCE et FMI) ; à cette occasion les médias ont montré à plusieurs reprises des scènes de fraternisation entre les manifestants et les forces de l’ordre chargées de contenir les mouvements de protestation. La photo ci-dessous me semble être la moins spontanée, voire la moins authentique de celles que l’on a pu voir dans la presse écrite entre le 9 et le 12 septembre 2012.




Néanmoins elle révèle à elle seule « une certaine idée » de la manière singulière d’être Portugais. Bien que je ne possède aucune information sur le photographe, le lieu et les protagonistes, il semble clair qu’il s’agit d’une photo posée, à la manière d’un Robert Doisneau par exemple (voir le célèbre Baiser de l’Hôtel de Ville), sur laquelle un policier anti-émeutes, anonyme et sans visage identifiable, donne l’accolade à un jeune homme vêtu de la façon la plus sobre qui soit ; la position des deux protagonistes, choisie par le photographe, permet de lire sur le tee-shirt blanc du garçon une phrase écrite au feutre noir, sans trop d’application, extraite de l’un des plus célèbres poèmes de Fernando Pessoa, Tabacaria – Bureau de Tabac, dont Monsieur le député Paulo Pisco nous avait fait lecture lors de sa conférence sur Pessoa.
Le poème commence ainsi :

Não sou nada.
Nunca serei nada.
Não posso querer ser nada.
À parte isso, tenho em mim todos os sonhos do mundo.
Je ne suis rien.
Je ne serai jamais rien.
Je ne peux pas vouloir être rien.
A part ça, je porte en moi tous les rêves du monde.

Pour finir, je vous propose de voir ou revoir cette vidéo Portugal versus Obama ou les réactions d’un Portugais contre la vanité des notes Moody’s.



Traduction des commentaires de la vidéo Portugal vs Moody’s

Obama :
Salut tout le monde. Voici une bonne nouvelle : on n’est pas le Portugal.
TV :
L’agence Moody’s a réduit la note du Portugal à moins que rien.
Voix off :
Désolés, on n’est pas là pour entendre ça. Que ça vous plaise ou pas, on est là et il faudra vous y faire.
Nous sommes là, là où il y a un X sur la carte, depuis 1143. Vous êtes capables d’évaluer ça ?
Beauté, diversité, de vrais trésors, des rivages authentiques, vous êtes capables d’évaluer la vie ?
Quand d’autres voyaient la fin du monde, nous on a vu le Nouveau Monde. La Globalisation c’est nous qui l’avons initiée. C’est grâce à nous si la terre est ronde.
On recherche des évaluateurs. Vous avez les compétences requises ?
Evaluer la résistance, la liberté, la tolérance… allez-y, faites-le pour voir.
Voilà notre âme. A chaque coin de rue, le murmure de notre langue.
Evaluez notre énergie. Nous sommes positifs. Des déchets ? Non merci. Nous sommes verts.
Vous pouvez nous faire confiance dans de nombreux domaines : lutte permanente, persistance dans l’effort, sueur de chaque jour, comment évaluer ça ?
Oui nous sommes spéciaux. Un sourire, de la paix, vous êtes capables d’évaluer ça ?
Bien sûr que nous avons vécu des moments difficiles. Souvent on a pris des coups, on a encaissé. C’est là notre honneur, bien loin de vos petites affaires habituelles, réduites à de la pacotille par Moody’s.
Nous vivons un temps extraordinaire, pour des gens extraordinaires, pour des choses extraordinaires. C’est notre temps, le temps de l’excellence.
Rien d’autre ne nous intéresse.

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